Une histoire Amazonienne

Synopsis

« Les morts ne veulent pas nager » se déroule au fil d’un lent périple sur l’Amazone durant la crue annuelle. Le film, qui trace le portrait de deux familles, ponctué par le voyage intime d’un conquistador imaginaire, questionne la réalité amazonienne du Pérou contemporain. Incursion dans les conséquences au quotidien d’une colonisation jamais terminée, il interroge la place de l’humain dans ce monde profané où la frontière entre réel et illusion n’existe pas.

Démarche

C’est un film d’auteurs, indépendants.
Un film sensible, où de lentes agonies, la mort même, soulignent les dérives du tout matériel, du tout rationnel, de l’abandon de la spiritualité jusqu’à l’oubli du sens.
Un film politique, avec en arrière plan du pétrole, des désirs, de la corruption, beaucoup de corruption, des multinationales délictueuses et puissantes, des luttes improbables, des individus intègres et volontaires, des indigènes de là-bas.
Un film éthique, loin du sensationnalisme, composé d’ethnies sans plumes ni maquillages, de la pauvreté ordinaire, un peu de misère bien sûr mais aussi de la sagesse et de la poésie, pour garder espoir.

Le film se déroule à hauteur humaine, dans le quotidien de ses personnages. Les deux cinéastes développent leur thème avec un regard sobre, fait d’entrevues et d’observations qui se mêlent aux mises en scène et aux digressions contemplatives. Ils rencontrent, durant la lente remontée du fleuve, les faits et personnages de cette chronique.

La partie fictionnelle, inspirée au départ par le théâtre Nô Japonais, illustre le voyage spirituel d’un conquistador imaginaire du XVIe siècle, un voyage en terre inconnue vers une ultime transformation de son être. Les rôles, distribués au hasard des rencontres, font passer certains personnages du documentaire à la fiction, prétexte à un jeu autour du réel et de l’illusion, frontière qui n’existe pas dans cette culture chamanique.

Sublimé par la poésie, le film ouvre sur d’autres perspectives, d’autres possibles.

Crédits

Un film écrit et réalisé par Marco BentzBrigitte Bousquet
Co production AUM Films et Ocho Equis Film
Productrice déléguée Chantal Dubois
Réalisation, Image, Montage Marco Bentz
Réalisation, Scénario, Son, Montage Brigitte Bousquet
Musique originale Moses Baxter
Mixage Suzanne Durand
Productrice exécutive Pérou Brigitte Bousquet
Assistante à la production Pérou Fanny Pineau

Avec le soutien de La Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée en partenariat avec le CNC, Languedoc-Rousillon Cinéma, Cinelatino Projet en Développement 2014, Utopia, Contraluz

Sélections

France – Festival CINELATINO – Découvertes documentaire – 31e Rencontres de Toulouse
Perú – 6ta TRANSCINEMA Festival Internacional de Cine de Lima
Colombia – 8vo Festival de Cine Verde de Barichara

Iquitos, la rue Brazil - Photo Marco Bentz
Démarche

C’est un film d’auteurs, indépendants.
Un film sensible, où de lentes agonies, la mort même, soulignent les dérives du tout matériel, du tout rationnel, de l’abandon de la spiritualité jusqu’à l’oubli du sens.
Un film politique, avec en arrière plan du pétrole, des désirs, de la corruption, beaucoup de corruption, des multinationales délictueuses et puissantes, des luttes improbables, des individus intègres et volontaires, des indigènes de là-bas.
Un film éthique, loin du sensationnalisme, composé d’ethnies sans plumes ni maquillages, de la pauvreté ordinaire, un peu de misère bien sûr mais aussi de la sagesse et de la poésie, pour garder espoir.

Le film se déroule à hauteur humaine, dans le quotidien de ses personnages. Les deux cinéastes développent leur thème avec un regard sobre, fait d’entrevues et d’observations qui se mêlent aux mises en scène et aux digressions contemplatives. Ils rencontrent, durant la lente remontée du fleuve, les faits et personnages de cette chronique.

La partie fictionnelle, inspirée au départ par le théâtre Nô Japonais, illustre le voyage spirituel d’un conquistador imaginaire du XVIe siècle, un voyage en terre inconnue vers une ultime transformation de son être. Les rôles, distribués au hasard des rencontres, font passer certains personnages du documentaire à la fiction, prétexte à un jeu autour du réel et de l’illusion, frontière qui n’existe pas dans cette culture chamanique.

Sublimé par la poésie, le film ouvre sur d’autres perspectives, d’autres possibles.

Genèse du projet

Iquitos, Pérou - Photo Google map
Cinquante degrés Celsius d’amplitude thermique

« Bienvenidos a Iquitos, ici on vend de la drogue » dit la publicité du gouvernement régional. Iquitos, où fleurissent en vrac le tourisme sexuel et ses pédophiles, les ONG en tous genres, les mafias, les trafics, les planques pour criminels, les lodges pour aventuriers du dimanche, les vrais et faux chamans et j’en passe…

Depuis plusieurs mois déjà, l’idée de filer en Amérique Latine me trottait dans la tête. Fatiguée du froid nord-américain, autant saisonnier qu’humain, je n’envisageais pas passer un hiver de plus au Québec et le retour en France n’était même pas une option. J’en étais là, lorsque le Sud vint à moi sous la forme d’un poste de coopérant en audiovisuel au Pérou. Un plan de Marco. Tout est à faire, c’est au milieu de nulle part, en pleine forêt amazonienne. Parfait !

23h, le 7 février 2011 arrivée à Lima. Le matin, on laissait Montréal par -20ºC et Toronto dans une tempête de neige. Cinquante degrés Celsius d’amplitude thermique, manteau d’hiver sur le bras, moiteur. Après quelques jours de préparation et d’acclimatation, c’est le taux d’humidité qui va grimper vers des sommets, pour moi jusque là inconnus. Iquitos, port sur l’Amazone, entre 450 et 500 000 habitants, la plus grande ville au monde non reliée par route, un îlot bruyant au milieu de la jungle. Sur le tarmac, je veux troquer mes poumons pour des branchies, l’air est saturé d’humidité. « Bienvenidos a Iquitos ».

Iquitos, la Prospero - Photo Marco Bentz
Sous latitude coloniale

La coopération durera neuf mois, abrégée par l’ONG canadienne car on ne collait pas avec le profil. Un soulagement en fait.

Neuf mois à manger du poisson en cebiche, à goûter des fruits aux noms et formes impossibles, à commenter le service des restaurants qui ne sert personne en même temps, pour finalement préférer les cuisinières de rue. Tout est ouvert. Tout est dehors. Pas de pudeur, faut que l’air circule sinon tout moisit. Sur les trottoirs on entre dans l’intimité des maisons, toutes les pièces y sont présentes, jusqu’à la salle de bain. Un homme en fauteuil roulant sur la Napo boit une bière avec un ami. Je le vois chaque jour, il s’appelle Luis, dans les cinquante ans. Il m’interpelle pour boire avec eux, ici on partage le verre et la bouteille, rien d’individuel, chacun attend son tour, comme au restaurant en somme.
Neuf mois pour réapprendre le partage et ralentir, se familiariser avec l’omniprésence des déchets, le bruit, la pauvreté, le travail des enfants et l’odeur de Belén. Pueblo Libre, Belén où chacun tait ses ambitions. Neuf mois pour changer, jouer avec les enfants collés en grappes souriantes, chaque fois impatients de venir aux ateliers, mon cœur palpite de les voir s’abandonner entre nos mains.

Josue, 13 ans, travaille au port avant l'école - Photo Marco Bentz

Il nous était devenu impossible de se laisser malmener par l’ONG pour des raisons administratives et des rancœurs puériles. Ils ont coché la case « échec de la mission ». Bien que désagréable, cette expérience venait de nous jeter à la figure tout un pan de la politique coloniale exercée par les pays du « premier monde » à l’égard des pauvres. Un écho à la longue histoire jamais raconté, oubliée des capitales d’où personne n’entend les chaînes des esclaves du caoutchouc, ni l’élimination par négligence des populations natives, ni les canoës qui coulent avec leurs occupants au passage des barges de transport pétrolier.

Partir m’était impossible. Pas comme ça. Je suis allée chez la chamane, que j’avais déjà rencontré une autre fois, pour prendre du recul et renouer avec la magie de la selva. Je passe Noël et le nouvel an seule à Iquitos, sur la Brasil, à écouter les pétards des enfants, leurs cris et la musique. La neige en coton, les décorations importées de cerfs et de sapins électriques totalement irréelles, culture plaquée, factice. Cette année 2011 ne s’est jamais terminée, comme un été qui s’étire et s’oublie.

Iquitos, La Restinga peinte par Christian Bendayán - Photo Marco Bentz

D’Iquitos à Saramuro, vers la source de l’Amazone

Le peuple de l’eau

Marco revient du Québec. On décide de rester sur place, peut être pour faire un film sur les familles qui vivent à Pueblo Libre, Belén… on se connaît déjà un peu, et puis on n’a pas peur de descendre seuls, même si l’endroit traîne une réputation parmi les pires du Pérou, prostitution infantile, narcotrafic, violence et pauvreté. Ce n’est pas ce côté qui nous attire, non, notre curiosité est piquée par la générosité, la dignité et l’exceptionnelle capacité à vivre dans un environnement hostile, entièrement liquide six mois par an.

Iquitos, Belén période sèche - Photo Marco Bentz

En décembre débute la crue annuelle. Pluie continue, les rues d’Iquitos sont des torrents. Je circulerais bien en maillot de bain si je l’osais. Quelqu’un m’a dit que c’est de l’eau sèche qui tombe… Sèche ? C’est vrai qu’il y a de l’air entre les gouttes… En 2012 la crue de toutes les rivières de l’Amazonie basse est exceptionnellement haute, un record. Plus une terre émergée sur des milliers de kilomètres carrés, dans la plus grande indifférence. Puis c’est l’état d’urgence, l’argent détourné, des centaines de familles vivent sur leur canoë, une bâche sur la tête. À Pueblo Libre, le toit des maisons sert de refuge aux quelques animaux non comestibles et aux humains. Beaucoup rêvent des terres hautes, mais le temps du nomadisme est révolu, les terres ont des propriétaires et les indigents sont chassés par la police.

Iquitos, Belén sous la pluie - Photo Marco Bentz

On avait rencontré « le peuple de l’eau », les Kukamas. Bien sûr à Iquitos personne ne se définit de cette façon, personne n’est indigène, tout le monde veut être moderne, natif de nulle part et embarquer dans la magnifique lancha du progrès ! 
Il faut aller plus loin, remonter l’Amazone, fréquenter les bras de rivières, suivre l’eau et partager le quotidien pour apercevoir, derrière les jeans et t-shirts, une vision totalement autre. Dès lors mon monde bascule, l’occident glisse sous la Terre pour rejoindre les êtres du passés qui, nostalgiques de la vie à la surface, hantent les rivières et les esprits dans l’attente d’un prochain retournement.